Mondial du vent : Retour sur l’épreuve de stand up paddle par Fred bonnef

Si le principe même de la préparation d’un événement en amont est de tenter de tout prévoir, il y a une variable que l’on arrivera jamais à maitriser dans les sports de glisse et de mer : La météo bien sur !

A une semaine des Stand up paddle Days, l’épreuve de Sup race des Mondial du vent faisant partie du calendrier international SUPAA ( Organisation internationale régissant les compétitions de Sup race ), il y a largement de quoi s’arracher les cheveux … Tout et son contraire sont annoncés au niveau du vent et en tant que directeur sportif, il faut pourtant faire des choix … Deux épreuves sont annoncées : La Beach race et la longue distance.

La Beach race est une épreuve spectaculaire, mêlant sprint sur l’eau, bataille aux bouées, course sur le sable. Ce format particulier demande de préférence peu de vent et quelques vagues.

La longue distance est une épreuve d’endurance, et comme en 2013, l’organisation comme les coureurs privilégient un parcours dos au vent, le fameux Downwind, où les sup raceurs bénéficient des vagues et du vent et peuvent ainsi mêler la technique de rame à leur lecture de plan d’eau et à de bons surfs sur les « bumps ».

Deux épreuves bien distinctes donc, qui demandent des conditions différentes et sur un site comme La Franqui où la tramontane dicte sa loi, et où la météo aime jouer avec les nerfs de tout le monde … Ce n’est pas gagné ! Tout l’enjeu pour les organisateurs est de réussir la difficile alchimie entre contenter les coureurs et les sponsors, gérer une logistique parfois très compliquée, avec des budgets qu’il est impossible de dépasser, et le tout en ne négligeant jamais la sécurité. Mais prévoir un scénario lorsque les conditions météorologiques sont tellement instables qu’elles changent tous les jours n’est pas chose facile. Il n’y a qu’une seule solution au final :
Prévoir TOUS les scénarios possibles !! Alors avec mes compères organisateurs Guillaume Astruc et Pascal Maka, nous nous prenons la tête. Après d’innombrables coups de téléphones et des discussions à n’en plus finir autour des cartes météorologiques, les choses se dessinent finalement la veille de la course. Bran le bas de combat tout le monde sur le pont, ce sera finalement Beach race le premier jour avec un vent marin faible et quelques petites vagues prévues ( en priant pour que le vent ne se lève pas trop et que la pluie ne tombe pas ), et Downwind le deuxième jour en espérant que le vent Marin se lève le plus possible !
Pour le Downwind, c’est un format novateur que nous voulons mettre en place avec un départ en bateau depuis le large et retour vers le bord. Alors quelques questions subsistent : Serons nous capables de hisser facilement une soixantaine de concurrents et autant de planches de 14 pieds à bord d’un bateau de promenade ? Comment les concurrents se comporteront ils lors de la remontée vers le vent si les conditions deviennent difficiles ? Arriveront ils facilement à se jeter à l’eau avec leur matériel ? Arrivera t’on à gérer toute cette logistique sans casse et sans blessure ? Mais le doute est vite remplacé par l’envie de bien faire, et sans qu’ils le fassent forcément exprès, les coureurs nous rassurent : Il y a une super ambiance dés les inscriptions, le niveau général est très relevé et tout le monde à envie d’en découdre, mais dans la bonne humeur !

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Samedi 25 Avril

Au matin du Samedi 25 Avril, les conditions semblent finalement au rendez vous, il fait beau et nous allons mouiller le parcours Beach race en tenant compte du léger vent, de la direction de la houle, et de la zone qui nous est accordée, mais surtout en faisant en sorte que l’intérêt sportif et l’intérêt visuel pour les spectateurs soient optimums. Il faut également faire en sorte que la ligne de départ soit la plus juste possible et que la première bouée de dégagement soit à la bonne distance pour ne pas créer d’ »embouteillages » trop importants…
Il faut que les bouées soient placées de telle manière qu’elles permettent aux coureurs d’utiliser la houle pour glisser entre deux bouées, faire parler son expérience de marin , de pratiquant et d’organisateur pour créer un parcours qui plait à tout le monde, et ce n’est pas facile ! Certains coureurs participent également à toute cette mise en place, en donnant leur avis, ce qui nous aide énormément, même si la décision finale nous revient.
Mais déjà aux entrainements, les premières remarques des coureurs nous rassurent : C’est bon, ça glisse ! C’est maintenant à eux de rentrer en piste et de nous offrir le spectacle que nous attendons . Le départ est imminent , j’ai un assistant de luxe, Kai Lenny, superstar des sports de glisse, qui me fait l’honneur de donner le départ avec nous.

Coup de trompe, les coureurs, allongés sur le sable, face contre terre, se lèvent, se retournent, vont saisir leur pagaie plantée dans le sable, repartent vers leur planche, et se jettent à l’eau. Ca vole, ça bataille sévère, mais ce n’est pas l’anarchie. Il y a du niveau, du gros niveau même. Les coureurs se jettent sur leurs planches et les premiers coups de pagaie sont ultra toniques et précis. Les premiers se détachent rapidement, sur ce genre de format, une grande partie de la course se joue au départ, au premier sprint, et à la première bouée. La lutte est rude devant entre Arthur Daniel, Leonard Nika, Greg Closier, Vincent Verhoeven et Dimitri Georges, et derrière, ça pousse fort, le genre de course sur laquelle rentrer dans les 10 premiers est une très belle performance…
Je suis toujours aussi admiratif devant les anciens qui donnent tout sur des parcours qui ne les avantagent pas.  Leur passion et leur niveau est exemplaire, à l’image des Lulu Langlois, Didier Leneil, Christophe Rodes et autres, toujours bien placés au milieu des jeunes, mais également de tous les autres qui sont là pour la plaisir avant tout et qui apportent énormément à la convivialité de l’épreuve. Les passages de bouées et à terre sont impressionnants, ça bataille sévère sur l’eau, mais Arthur Daniel est un cran au dessus aujourd’hui, il s’impose devant Léo Nika l’Italien et Greg Closier le Breton. Derrière Dimitri Georges et Vincent Verhoeven ne sont pas loins et prennent les places d’honneur devant Gaétan Séné, Didier Leneil, Florent Dode, Amaury Dormet, Christophe Rodes, Edouard Garcia, Hervé Rota, Lulu Langlois, les frères Teulade … Autant dire qu’il y avait du niveau !

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Sur la plage je vis la course à 200 %, j’en deviens fou, et ce n’est pas seulement le stress de la direction de course, c’est beaucoup plus que cela. c’est un mélange de joie et de frustration.  La joie de créer quelque chose pour les autres, de participer au développement du sup, la joie de voir se concrétiser ma vision de ce sport. La frustration de ne pas être avec mes potes au départ, même si je sais que physiquement je ne suis plus le même qu’avant.
J’en viens à faire un truc qui m’est complètement interdit par mes médecins : Courir ! Je suis en train d’imaginer la tête de mon chirurgien si il me voyait faire des bonds dans le sable dans tous les sens, à tous les médecins qui ne me voyaient même pas remarcher. Ça me fait sourire bêtement ! Je vais le payer très cher le soir même et les jours d’après, mais ça m’est complètement égal, la douleur je connais, elle ne m’empêche pas de vivre.

Dimanche 26 Avril

Dimanche 26 Avril, changement de décor, le vent marin se lève doucement, le ciel est gris et avec Pascal, Guillaume et les bénévoles, nous sommes sur le pied de guerre très tôt, parés à lancer une armada de sup raceurs assoiffés de Downwind depuis un bateau au large pour rejoindre la ligne d’arrivée. C’est une première et honnêtement on est tous un peu tendus.
On avait déjà récupéré des concurrents au large lors de l’édition 2013, mais l’embarquement semble plus compliqué que prévu et la houle commence à bien rentrer. Il va falloir que les coureurs rejoignent le bateau par eux mêmes. Les zodiacs de sécurité surveillent étroitement les opérations, l’un deux se mêt à couple du bateau et facilite le transfert des hommes et du matériel. Tout le monde s’entraide et s’organise, ça roule, c’est le top, je commence à respirer. Nous sommes 45 sur le bateau et Guillaume Astruc a embarqué quelques concurrents de plus sur notre fameuse « Downwind machine » ! Pendant la remontée au vent, j’observe les coureurs d’un oeil extérieur : Certains discutent, certains déconnent, d’autres se reposent, se concentrent … Et je pense que certains se posent la question : Où nous emmène donc cette équipe d’organisateurs déjantés ??

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Le départ

Une fois au large, la visibilité est moyenne, on distingue à peine le bord et la falaise de Leucate. Nous tentons de donner un maximum de repères aux coureurs, et le bateau ouvreur indiquera la voie. Je choisis un départ lancé comme en windsurf, avec pénalité en cas de dépassement avant le top.
C’est il me semble ce qu’il y a de plus adapté à la situation. Pascal Maka et moi même lançons les hostilités depuis le toit du bateau. Vu d’en haut, le spectacle est total. Bon départ !  Les meilleurs sont déjà sur un bump au moment du coup de trompe. Un premier groupe se détache avec Arthur Daniel, Greg Closier, Léo Nika, Dimitri Georges, Ludo Dulou, Vincent Verhoeven, Amaury Dormet et Rémy Lavie . Ils suivent le Sud Est, la ligne la plus directe, celle du bateau ouvreur.

Mais rapidement Didier Leneil prend une autre option, beaucoup plus Ouest avec Gaétan Séné pas trop loin derrière qui prend une ligne intermédiaire. Sur le bateau, on se frotte les mains, la course promet d’être très intéressante. En tant qu’ancien coureur, j’ai bien conscience que l’effort est intense car le Downwind n’est pas très long et il faut tout donner, tout le temps. Je devine à quel point la bataille est rude du côté d’Arthur Daniel et de ses concurrents directs, mais je suis attiré par la course solitaire de Didier Leneil à l’ouest qui a pris une option risquée mais très intéressante. Il glisse fort et ne semble pas forcer tant que ça, mais c’est souvent l’impression que donne ceux qui sont vraiment à l’aise …

A l’est les positions changent toutes les 5 minutes, et cela fait plaisir de voir des purs passionnés du Downwind comme Ludo Dulou, Amaury Dormet,  Rémy Lavie et compagnie se livrer bataille dans de bonnes conditions. Arthur Daniel va vite, très vite, mais Didier Leneil nous impressionne. A presque 50 ans, il prend une option sérieuse pour la victoire devant certains coureurs qui font partie de l’élite Européenne du sup race. Son option très ouest semble payante, et plus il se rapproche de la falaise de La Franqui, plus il semble que sa trajectoire est la bonne. Je me régale, j’aimerai être sur l’eau, mais assister au spectacle sur le parcours que nous avions imaginé avec Guillaume et Pascal, c’est bien aussi !
Ce qui est vraiment bon, c’est que je sens que les coureurs qui sont en arrière du peleton de tête glissent et se font plaisir. Je repense à la soirée passée la veille avec Boris Fagnart, Florent Dode, Christophe Rodes, Lulu Langlois, Hervé Rota … et les autres et aux crises de rire toute la soirée. Aujourd’hui ces mêmes gars se tirent la bourre sur l’eau et ça fait plaisir à voir.

L’arrivée

La ligne d’arrivée se profile et impossible encore de donner un vainqueur potentiel tant la lutte entre Didier et Arthur est serrée. Finalement ce dernier accélère très fort sur le dernier kilomètre et prend la victoire d’un cheveux sur Didier, alors que derrière Greg Closier a réalisé une belle remontée pour prendre une nouvelle troisième place devant Dimitri Georges, Léonard Nika, Vincent Verhoeven. Ludo Dulou arrive non loin derrière mais oublie de passer la ligne d’arrivée et se voit rétrograder derrière Amaury Dormet qui prend la septième place alors que Gaétan Séné et Rémy Lavie complètent le top 10. Lorsque l’on s’attarde sur les noms des rideurs qui sont en dehors de ce top 10, on se dit que le niveau était décidément très élevé.

Certains ont d’ailleurs hâte de prendre leur revanche et avec Pascal et guillaume nous sommes très décidés à relancer une nouvelle manche. Je prends la température auprès des coureurs pendant le repas collectif au bord de la piscine . A quelques exceptions prêt, tout le monde semble chaud pour repartir … Alors c’est reparti ! Rebelote, tout le monde sur le bateau avec plus de vent, plus de vagues, et un nouveau downwind qui promet . Mais la malchance se mêle à la partie avec une série de circonstances et de déboires techniques qui nous empêchent de lever l’ancre alors que tous les coureurs sont déjà remontés sur le bateau prêts à en découdre ! Nous faisons le maximum mais rien n’y fait et à notre grand regret, tout le monde quitte le bateau pour rejoindre la terre.

Une leçon de plus pour nous et des souvenirs pour les coureurs, c’est tout de même sur un grand sourire que se terminent les stand up paddle days du Mondial du vent 2015. Tout le monde a déjà le regard rivé sur l’édition 2016. On est déjà en train de la préparer !

Fred Bonnef